Après avoir qualifié Anticosti de « milieu naturel unique au Québec », le gouvernement Couillard a finalement autorisé mercredi la réalisation de trois forages avec fracturation sur l’île. Et les millions de litres d’eau nécessaires pour ces travaux seront pompés dans des rivières abritant une population de saumon en voie de disparition. Cette eau sera ensuite traitée sur place et rejetée directement dans le golfe du Saint-Laurent.
Malgré la controverse et les réticences maintes fois répétées du premier ministre Philippe Couillard, le ministre de l’Environnement, David Heurtel, a accordé à Hydrocarbures Anticosti les certificats d’autorisation réclamés depuis le 10 février. Cette société en commandite, dont le gouvernement est le principal bailleur de fonds, pourra donc aller de l’avant avec les forages prévus dans le contrat signé par le gouvernement péquiste en 2014.
Fracturation en 2017
C’est l’opérateur des travaux sur le terrain, l’entreprise Pétrolia, qui dirigera les opérations. Ces forages seront vraisemblablement réalisés en deux phases. Dans un premier temps, les forages horizontaux devraient être menés au cours de l’été. Les opérations de fracturation hydraulique suivront en 2017.
Par voie de communiqué, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a défendu le processus suivi avant de donner le feu vert. « Ces autorisations environnementales sont délivrées après que le ministère [de l’Environnement] se soit assuré que les exigences environnementales les plus élevées sont respectées. »
Le ministère a par ailleurs précisé qu’il « mettra en oeuvre un plan de contrôle et de suivi serré qui permettra de s’assurer du suivi rigoureux des conditions du certificat d’autorisation ». Pour cela, il promet d’être présent sur les sites des trois forages prévus sur Anticosti.
Rivières à saumons
Selon les informations rendues publiques mercredi, les forages seront réalisés dans la portion ouest de l’île. Comme chacun de ces forages nécessite l’utilisation de millions de litres d’eau, le gouvernement a choisi d’autoriser le « prélèvement » d’eau dans quatre rivières de l’île, dont au moins deux sont reconnues comme des rivières abritant des populations de saumon de l’Atlantique.
Fait à noter, la population de saumons atlantiques de l’île est considérée comme en voie de disparition par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Le gouvernement Couillard a tout de même autorisé Hydrocarbures Anticosti à pomper de l’eau dans la plus importante rivière de l’île, la rivière Jupiter, qui abrite près de 30 % de tous les saumons d’Anticosti.
Le ministère de l’Environnement, qui a publié les détails des autorisations en fin de journée mercredi, n’a pas précisé quelles seront les quantités d’eau qui seront nécessaires pour chaque forage.
Traitement sur place
Par ailleurs, le gouvernement permettra que les millions de litres d’eaux usées qui sortiront des puits fracturés soient traités directement sur Anticosti. Pour ce faire, trois réservoirs pourront être installés sur trois sites différents. Un « fournisseur » non identifié pour le moment pourra alors utiliser un « système de traitement » pour décontaminer les eaux, qui peuvent contenir plusieurs produits toxiques.
Selon les coordonnées de différents « points de rejets », il est clair que les eaux usées qui auront été traitées seront rejetées directement dans le golfe du Saint-Laurent, à partir de la rive sud d’Anticosti.
Tout indique qu’un point de rejet sera même situé dans l’embouchure de la rivière Jupiter. Cette rivière est très réputée pour la pêche au saumon. La Société des établissements de plein air du Québec, qui vante la « limpidité sans égale » de ses eaux, vend d’ailleurs des forfaits de pêche à 6000 $, sans compter le transport jusqu’à l’île.
Malgré plusieurs forages réalisés au fil des ans, aucun gisement d’or noir n’a été découvert sur Anticosti. Selon l’évaluation préliminaire qui a mené à cette saga pétrolière, le sous-sol d’Anticosti pourrait renfermer plusieurs milliards de barils de pétrole de schiste, mais aussi du gaz de schiste.
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