15 décembre 2020
Lettre ouverte au comité de suivi environnemental de la cimenterie de Port-Daniel–Gascons
Inquiétudes face à la fusion des actifs cimentiers nord-américains de la Caisse de Dépôt et placement du Québec (CDPQ) et du conglomérat brésilien Votorantim Cimentos
À l’attention du comité de suivi environnemental de la cimenterie :
Julie Leblanc Conseil de l’eau Gaspésie Sud | Caroline Duchesne CREGIM | Geneviève Lemoyne ZIP-Baie des Chaleurs |
Emmanuelle Rancourt & Mathieu Béland Nature Québec | Corinne Pedneault & David Bourdages CIRADD | Maryse Tremblay Ciment McInnis |
Kateri Pouliot Ciment McInnis | Richard Loiselle Médiateur |
Bonjour à vous, membres du comité de suivi environnemental de la cimenterie de Port-Daniel–Gascons.
Le 10 décembre dernier, nous avons appris comme vous tous et toutes la fusion des actifs cimentiers de la CDPQ et du conglomérat brésilien Votorantim Cimentos. Cette transaction ravive nos préoccupations en matière environnementales et c’est pourquoi nous ouvrons avec vous cette discussion dans l’espace public.
L’un de nos premiers questionnements concerne la volonté qu’a Votorantim Cimentos de réduire « rapidement » de 10% les émissions de GES émises par la cimenterie[1]. Pour y arriver, ont-ils toujours la volonté de transformer les fourneaux afin de brûler de la biomasse ? Si tel est le cas, quelles sont les garanties quant à ce qui pourra être incinéré dans ces fours? Sur le site Internet de Verdera, une filiale de Votorantim Cimentos, on comprend que l’entreprise se spécialise dans la gestion des déchets industriels qu’elle brûle dans ses cimenteries (procédure actuellement en vigueur dans 14 usines brésiliennes). On peut y lire que:
« Désormais, Votorantim Cimentos est prête pour une autre étape importante, en agissant directement sur le marché de la gestion des déchets avec sa propre marque, Verdera »[2].
Les déchets utilisés sont, entre autres, des sols contaminés, des pneus et du caoutchouc, des déchets liquides et pâteux, des déchets solides ainsi que de la biomasse. La liste n’est pas exhaustive. Ils invitent les clients à les contacter afin de leur proposer d’autres types de déchets[3].
Au regard de cette préoccupation, nous souhaitons nous assurer que le rôle du comité de suivi sera maintenu, malgré la transaction, afin de garder un œil sur les activités de Votorantim et de la CDPQ. Nous sommes d’avis que le Comité de suivi Environnemental devrait rigoureusement servir de relais entre la cimenterie et la population. Nous croyons donc que votre rôle devrait être celui d’exiger la transparence de Votorantim. Nous demandons toujours au comité de travailler sur la mise en place d’un système de publication des données de qualité de l’air à Port-Daniel, en continu et en temps réel. À notre sens, la qualité de l’air et les émissions atmosphériques font partie de ce qui a un énorme potentiel de risque pour la santé publique, à long terme, d’autant plus dans l’optique où des déchets industriels pourraient être brûlés ici.
Rappelons que l’article 25 de l’Entente-cadre sur la création et le fonctionnement du comité de suivi environnemental de la cimenterie précise que « les membres du Comité Environnemental discuteront de toute autre modalité […] de diffusion d’informations à caractère environnemental en lien avec les activités de la cimenterie ». Pour l’instant, il est seulement possible d’obtenir les données sur les émissions atmosphériques de la cimenterie via la loi sur l’accès aux documents des organismes publics, et seulement lorsqu’il y a dépassement des normes d’émissions. Il faut être chanceux pour obtenir des résultats, et cela prend trop de temps lorsqu’il y a une situation urgente comme les émissions de poussières subies à l’été 2020. Nous croyons que les procédures de diffusion actuelles ne répondent pas à des critères minimaux de transparence et que ce dossier fait partie du mandat qui vous a été confié dans l’entente.
Comme nous le mentionnions dans les médias dernièrement, le dossier de la CDPQ en matière de transparence laisse beaucoup à désirer. Celui de Votorantim, nous ne le connaissons pas, mais nous savons que c’est une entreprise qui a une grosse amende à payer au Brésil, soit environ 700 millions de dollars canadiens pour avoir mené un cartel du ciment là-bas : contrôle sur les intrants pour empêcher les cimenteries hors cartel de produire, fixation des prix 66% au-dessus du niveau normal de libre-concurrence, etc. Cette situation qui s’ajoute aux autres éléments mentionnés ci-haut nous incite à beaucoup de prudence. Aussi, nous vous demandons de demeurer extrêmement vigilant.es face à cette entreprise aux pratiques qui suscitent de sérieux doutes.[4]
Dans l’attente d’une collaboration active,
Le conseil d’administration d’Environnement Vert Plus
[2] http://www.verderasolutions.com.br/
[3] http://www.verderasolutions.com.br/
[4] https://jp.reuters.com/article/instant-article/idUSL2N0KX27520140123