Avec sa Loi sur les hydrocarbures, adoptée sous le bâillon dans la nuit du 9 au 10 décembre dernier, le gouvernement Couillard a déroulé le tapis rouge devant les pétrolières et les gazières. Avec son projet de loi 102 modifiant la Loi sur la qualité de l’environnement, dont l’étude est en cours à Québec, il semble vouloir étendre ce privilège à l’ensemble des promoteurs.
Présenté comme un effort de modernisation du régime d’autorisation environnementale, le projet de loi 102 est plus exactement un nouveau cadeau du gouvernement Couillard à l’entreprise privée. Il ne vise pas seulement à soustraire 30 % des projets au processus de demande d’autorisation – ce qui devrait déjà ravir les promoteurs. Malgré quelques avancées comme la pré-consultation sur le contenu des études d‘impact, dont la portée réelle reste à démontrer, il marque un nouveau recul de la participation citoyenne aux débats publics.
En effet, alors que le projet de loi 102 devait initialement accroître l’information accessible à la population, il consacre plutôt le droit de véto des promoteurs sur la nature des renseignements divulgués – et tue ainsi dans l’œuf l’idée même d’un débat public éclairé. Même les impacts possibles des contaminants continueront à être gardés secrets si les promoteurs le souhaitent. De plus, le projet de loi maintient le droit d’appel accordé aux promoteurs en cas de rejet d’un projet et refuse ce même droit aux citoyennes et citoyens en cas d’autorisation – un déni de justice évident. Finalement, il pose des questions quant à l’avenir du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Qu’adviendra-t-il du BAPE, dans les projets de juridiction partagée, dès lors que le Québec se donne la possibilité d’abandonner au fédéral certaines évaluations environnementales?
Que signifie le nouveau concept de « consultations ciblées » que le projet de loi 102 introduit? Le droit de poser des questions et d’être entendu sera-t-il désormais réservé, dans certains cas, à des groupes triés sur le volet? Lesquels?
Où nous mèneront les évaluations environnementales stratégiques (ÉES) pilotées par des hauts fonctionnaires? Le cadrage effectué en vase clos dans les ministères servira-t-il à restreindre la portée des évaluations subséquentes du BAPE? Ce point soulève des craintes importantes, notamment en ce qui concerne le volet économique du mandat du BAPE. Déjà, le ministre Heurtel avait créé un précédent, l’an dernier, en tronquant le BAPE générique sur Énergie Est de sa dimension économique. Tout récemment, le premier ministre Couillard se demandait si le BAPE n’avait pas outrepassé son mandat, sur le REM, en s’intéressant à l’économie. Enfin, les orientations en matière d’acceptabilité sociale dévoilées par le ministre Arcand le 24 janvier dernier prévoient la création d’un Bureau d’analyse des impacts économiques. Relevant de trois ministères différents, tous ces développements convergent vers la même question : le gouvernement Couillard souhaite-t-il évacuer l’économie du mandat du BAPE? Ceci équivaudrait à empêcher la population, les organisations et les chercheurs de s’informer et de se prononcer sur les promesses de retombées que les promoteurs utilisent presque à tout coup pour justifier leurs projets – un non-sens.
La participation citoyenne aux décisions collectives est un droit et non une nuisance dont le gouvernement Couillard peut se débarrasser en nous privant d’une information complète sur des projets qui touchent notre eau, notre air, notre sol, notre qualité de vie et même notre santé, en manquant au principe élémentaire de l’équité devant la justice, en laissant des promoteurs court-circuiter les lois du Québec sous le prétexte qu’un projet relève aussi du palier fédéral ou en restreignant la portée du mandat du BAPE. Dans toutes ses politiques et toutes ses lois, y compris la Loi sur la qualité de l’environnement, le gouvernement doit renforcer et non affaiblir les mécanismes qui favorisent cette participation. Ce n’est pas en répétant « acceptabilité sociale » comme un mantra que notre premier ministre se libérera de cette obligation morale.
André Lafrance, Alerte Pétrole Rive-Sud
André Bélisle, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)
Jacques Tétreault, Comité des Citoyens et Citoyennes pour la Protection de l’Environnement Maskoutain (CCCPEM)
Martine Chatelain, Eau Secours! Coalition québécoise pour une gestion responsable de l’eau
Pascal Bergeron, Environnement Vert Plus
Éric Ferland, Foire ÉCOSPHÈRE
Patrick Bonin, Greenpeace
Gisèle Comtois, Mobilisation environnement Ahuntsic-Cartierville (MeAC)
Carole Dupuis, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec
Laurence Guénette, Réseau québécois des groupes écologistes (RQGE)
Xavier Gillet, SOS Territoire
Yvan Croteau, Stop oléoduc Montmagny-l’Islet
Anne-Céline Guyon, Stop oléoduc Portneuf Saint-Augustin
Maude Prud’homme, Tache d’huile