Lettre ouverte aux fourbes de TransCanada, et à leurs servants

Vous avez vu mon enfant lors des audiences de l’Office National de l’Énergie, lundi matin. Il se promène encore en scandant «TransCanada, on n’en veut pas!». Très mignon dans la bouche d’un enfant de trois ans.

L’homme qui a monopolisé les caméras ce jour-là l’a vu venir au monde. Un vrai bon gars. La plupart des éditeurs ont coupé la partie du clip où on le voit remettre avec un grand sourire un cartable à la commissaire de l’ONÉ qui venait le lui réclamer, tout de suite après que quatre gardes de sécurité se soient résignés à lui laisser le plancher. Comme Obélix, en peu enrobé et maladroit, tombé dans la potion magique quand il était petit, mais pas gros, et tellement gentil.

Jamais, malgré les petites bousculades du début et de la fin, n’ai-je craint pour ma sécurité ou celle de mon enfant. Lui non plus d’ailleurs, je lui ai demandé à plusieurs reprises. Les guerriers et les guerrières infiltrés dans la salle pour annuler l’audience n’ont jamais eu l’intention de s’en prendre à qui que ce soit. L’ONÉ nous rit encore au nez quand elle parle des «perturbations […] dont la violence menaçait la sécurité de toutes les personnes présentes à la séance.» Il n’y a que la sécurité, le SPVM, et les nombreux gardes du corps présents qui ont menacé, à un moment ou à un autre, l’intégrité physique de quiconque dans la salle. Et si peu! Le SPVM ne pouvait se permettre la bastonde qu’elle sert si bien aux manifestants quand il n’y a pas de caméra!

L’ONÉ enterre dans son communiqué ce qu’il lui restait de légitimité. Elle spin la violence comme un vieux disque usé. Elle a certes rencontré Charest cet hiver, on sait dans quelle circonstance, mais elle tient aussi ses audiences dans le même édifice où loge TransCanada, à Montréal. Est-ce que les commissaires rencontrent les dirigeants de TransCanada pendant les pauses? Que devaient-ils faire mercredi et jeudi, durant les 2 jours de pause avant la journée d’audience de vendredi?

L’ONÉ a déjà approuvé plus de projets dans les sables bitumineux que ce qu’il faut pour doubler les émissions de gaz à effet de serre du Canada. Les conséquences des changements climatiques s’abattent déjà sur les populations les plus défavorisées de la planète. Allez voir H2Oil, le film de la réalisatrice Shannon Walsh, pour constater la dévastation de la rivière Athabasca, les taux de cancer anormalement élevés chez les autochtones de la région qui dépendent encore de cette rivière pour leur survie, la terre sacrifiée pour satisfaire les junkies du pétrole.

On aura aussi rencontré des travailleurs de l’industrie du tuyau, convaincus que ça prend un pipeline pour qu’ils mettent plus d’argent dans leur poche, et grassement payés par leur agence de placement pour le dire haut et fort. Quand on perçait les mauvais slogans et les lignes de comm pourries des porte-parole, on apprenait de la bouche des travailleurs que les pipelines ne devraient pas être utilisés plus de 40-50 ans, contrairement à ce que l’ONÉ a autorisé pour la ligne 9B renversée d’Enbridge, et pourrait autoriser avec Energie Est. Les travailleurs s’attendent à plusieurs déversements de ce côté. Ils disaient aussi que les inspecteurs de l’ONÉ se font acheter (i.e. corrompre, donner des enveloppes brunes) par les compagnies de pipeline afin de fermer les yeux sur l’utilisation de matériaux de moindre qualité. Pourquoi les travailleurs ne dénoncent-ils pas la situation? La loi du silence et du porte-feuille : si tu parles, plus personne ne va t’embaucher, alors ferme ta gueule si tu veux de l’ouvrage. Un climat idéal pour les investisseurs de l’industrie, que Justin ne voulait pas effrayer par une réforme trop profonde de l’ONÉ.

Attendez-vous donc à nous revoir. Les guerriers et les guerrières au service de la terre mère n’accordent aucune légitimité au processus qui pourrait autoriser Énergie Est. Le fait de dire «peut-être», «peut-être allons-nous détruire davantage la base de la survie des habitants de la rivière Athabasca», «peut-être allons-nous hypothéquer davantage les chances de survie de l’humanité» constitue un geste d’une violence inouïe! Pas étonnant alors que les promoteurs aient besoin de gardes du corps pour repousser un père qui a dans les bras un enfant de trois ans. S’attendaient-ils à ce que je sorte un couteau d’entre mes dents? Ou ne veulent-ils pas voir les générations sacrifiées pour leur profit?

Merci mon ami de nous avoir permis de tenir la bannière devant la table des commissaires, bannière qui disait «Même si le gouvernement donne les permis, ce sont les communautés qui donnent les permissions». Merci à tous ceux et à toutes celles qui ont pris le pari de perturber les audiences de lundi. Ensemble nous avons planté un clou de plus dans le cercueil du projet Énergie Est. Dans 200 ans, dans 7 générations, on nous remerciera d’avoir empêché ce projet de voir le jour; on regardera avec mépris les promoteurs de la destruction et leurs larbins. La seule réponse légitime à l’expansion des sables bitumineux, c’est NON.